Source : Ipsos 2018 - Les Français et les obsèques (total supérieur à 100 car plusieurs réponses possibles). Graphique : Allo la mort, ici la Terre.
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Source : Ipsos 2018 - Les Français et les obsèques (total supérieur à 100 car plusieurs réponses possibles). Graphique : Allo la mort, ici la Terre.
42 % des personnes interrogées évoquent la raison de ne pas laisser de traces après leur mort.
38 % jugent cette option meilleure pour l'environnement.
27 % ne veulent pas que leur corps se dégrade après leur mort.
20 % évoquent un coût plus réduit que pour l'inhumation.
7 % la choisissent parce que leurs proches y tiennent.
3 % souhaitent respecter
les principes de leur religion (bouddhistes, hindouistes...)
La seconde transition funéraire, dans laquelle nous sommes toujours engagés, est marquée par la montée de la crémation. La crémation est légale en France depuis 1887, mais il a fallu presque un siècle avant qu’elle ne s’installe réellement dans les pratiques funéraires. Une des raisons étant l’opposition de l’Église catholique, qui décide de ne l’autoriser qu’en 1963.
Selon François Michaud-Nérard, membre du Conseil national des opérations funéraires (CNOF), c’est la demande accrue des Français pour ce procédé qui a fait émerger l’installation de nombreux crématoriums sur le territoire : de 9 en 1980, on en compte aujourd’hui presque 200 en France.
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Cette méthode qui représentait presque 38 % de la part des décès en 2018, pourrait encore progresser dans les années à venir : « On s’aperçoit que dans les contrats obsèques, la demande de crémation est majoritaire », indique François Michaud-Nérard. Dans certains pays du nord de l’Europe, cette pratique est déjà bien installée depuis plusieurs années, comme en Suède, où la part des personnes crématisées est passée de 65 % en 2000 à plus de 82 % en 2018.
Selon un sondage Ipsos de 2018, le choix de la crémation serait principalement motivé par le souhait de ne pas laisser de trace après sa mort. On pourrait relier cet argument au manque de places dans les cimetières, que nous abordons dans la première partie d’ « Allo la mort, ici la Terre ».
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L’argument environnemental en deuxième position dans le choix de la crémation
Pour pratiquer une crémation, il est nécessaire d’utiliser une grosse quantité d’énergie fossile non-renouvelable : du gaz de ville. Le cercueil va entrer dans un four, chauffé entre 850 et 950 °C, et va brûler pendant environ une heure et demie. En plus du gaz, qui va s’échapper par la cheminée du crématorium, il y aura aussi des polluants comme le formol, que l’on injecte lors des soins de conservation, ou le mercure, présent dans les amalgames dentaires des défunts. Des métaux lourds, des dioxines et des poussières vont aussi se dégager lors de la combustion, ainsi que du dioxyde d’azote, un des polluants les plus nocifs en matière de santé publique.
Mais en 2006, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), publie une étude nationale sur les risques liés aux rejets des crématoriums. Elle demande à ce que « les valeurs seuils des émissions des crématoriums soient sévérisées », tout en assurant que leur activité ne représentait pas de danger pour la santé de la population.
La même année, le sénateur Jean-Pierre Sueur expliquait dans un rapport que des filtres devraient être utilisés pour réduire ces émissions.
« Contrairement à une idée reçue, la crémation n'est ainsi pas forcément plus écologique que l'inhumation et il n'est pas assuré que son coût sera, à terme, sensiblement moins onéreux », écrivait-il.
Deux ans plus tard, le crématorium du Père-Lachaise anticipe un changement de réglementation et installe un système de filtration. Selon François Michaud-Nérard, membre du Conseil national des opérations funéraires : « Ces filtres ne captent pas tous les polluants, comme les oxydes d’azote, mais ils empêchent les poussières, les métaux lourds, les dioxines et les furanes de s’échapper dans l’air ».
Dans les conclusions de l’étude de l’Ademe en 2006, on pouvait lire qu’un des points à améliorer pour les crématoriums, était la récupération de l’énergie. Quelques crématoriums ont déjà été rénovés avec un système de récupération de chaleur, comme celui du Père-Lachaise, qui permet de chauffer les locaux du personnel. Celui de Champigny-sur-Marne, réinjecte l’air chaud lié à la réfrigération des fumées dans les chambres de combustion, ce qui permet une économie de 20 % de gaz par rapport à une installation classique.
Source : Association Nationale Crématiste. Graphique : Allo la mort, ici la Terre.
De 1 755 crémations en 1970 à 232 577 en 2017, la crémation représente aujourd'hui plus d'un tiers des décès en France. Proportionnellement, il y a eu deux fois plus de crémations en 2017 qu'en 2000.
La seconde courbe représente l'évolution du nombre de crémations effectuées entre 1970 et 2017, d'abord en milliers puis en centaine de milliers.
La première courbe représente l'évolution du nombre de décès entre 1970 et 2017, en centaine de milliers.
Si la crémation est choisie en partie parce qu’elle est perçue comme meilleure pour l’environnement, elle n’est pas tout à fait neutre pour autant.
Cette technique n’est pas directement due à la combustion des corps, mais au refroidissement des fumées. La fumée du four, sortant aux alentours de 850 °C, doit être filtrée avant d'être rejetée dans l'air. C’est donc de ces équipements, destinés à refroidir ces fumées, que la chaleur est récupérée. Ce même système a été mis en place pour la construction en 2019 du crématorium du Petit-Quevilly, près de Rouen. Une partie de l’énergie produite est ainsi réinjectée dans le réseau de chauffage urbain, ce qui permet d’alimenter une centaine de logements.
Le crématorium de Petit-Quevilly (Seine-Maritime), a été inauguré en janvier 2020 et a coûté près de 3 200 000 euros pour la construction. © Babel architectes
Au début de l’année 2010, un arrêté entre en vigueur pour obliger les crématoriums à s’équiper de filtres d’ici à 2018. Dans un contexte d’augmentation du taux de crémation, cet arrêté a pour but de réviser les quantités maximales d'émissions rejetées dans l’atmosphère.
En novembre de la même année, l'organisme de surveillance de la qualité de l’air en Île-de-France, Airparif, publie une étude sur les rejets de mercure. Elle a pour but d’analyser les données de l’incinérateur de déchets ménagers de Créteil (94), qui rejette 28 kg de mercure dans l’air par an, et du crématorium du Père-Lachaise (10 kg par an), fraîchement équipé d’un système de filtration.
Les résultats publiés sont positifs : « Bien que supérieurs au niveau de fond du quartier avoisinant, ces valeurs restent néanmoins très faibles, et très largement en deçà des recommandations de l’OMS », peut-on lire dans le rapport. Le crématorium affichait un pic horaire à 6,6 ng/m3 de mercure dans l’air, alors que la valeur guide de l’Organisation mondiale de la santé est de 1000 ng/m3 pour le mercure inorganique.
Le futur crématorium de la porte de la Villette à Paris devrait voir le jour en 2024. Ce parc funéraire à énergie positive comportera quatre fours de crémation.
© AAVP Architecture
La crémation s'installe progressivement dans le choix des Français